A- Cela bouge dans les entreprises !
Lentement, trop lentement aux yeux de certains, mais sûrement, la « nouvelle norme » que représente le phénomène des salariés-aidants s'impose aux entreprises. Dès 2010, le sondage BVA Novartis montrait que de 10 à 15% des salariés dans les entreprises étaient en situation d'aidants pour un proche. Des enquêtes menées ensuite, et notamment celle de Malakoff-Médéric en 2012, ont montré que la proportion de salariés en situation d'aidants était sans doute autour de 15%, et ont commencé à pointer l'effet de cette situation d'aidant sur le présentéisme, l'absentéisme et la performance des entreprises. Cette année, coup sur coup, le projecteur vient d'être doublement mis à l'occasion de la Journée nationale des aidants qui se tient chaque année le 6 octobre : d'une part une conférence de presse de la société RESPONSAGE avec les témoignages de trois de ses clients que sont DANONE, l'OREAL et CREDIT AGRICOLE ASSURANCES, et d'autre part une conférence de presse réunissant l'ORSE, l'UNAF et la secrétaire d'Etat Laurence Rossignol présentant le « guide sur les aidants familiaux destiné aux entreprises » et montrant bien le phénomène montant des salariés-aidants en entreprise.
B- Pourquoi les salariés-aidants qui prennent la parole aujourd'hui sont de véritables « pionniers » ?
70% des salariés-aidants disent souhaiter pouvoir mieux concilier vie professionnelle et rôle d'aidant. Tout particulièrement quand ce rôle prend plus de 30 heures par semaine, quasiment un second temps plein. 70% des salariés disent souhaiter une ou plusieurs formes d'aménagement du travail comme des horaires plus adaptés, ou des absences pendant la journée plus facilement autorisées, des possibilités de télétravail certains jours de la semaine, ou certaines périodes d'un mois, des réductions d'heures de travail certaines semaines, etc. La constante croissante des demandes : du sur-mesure. Le sur-mesure s'imposera si l'on veut réussir, car chaque situation d'aidant est spécifique, et il est difficile d'établir un cadre unique au sein d'une entreprise pouvant répondre efficacement à toutes les situations, alors même que le « parcours d'aidant » est si instable et évolutif. Le sur-mesure ne s'imposera que si les salariés-aidants décident de « prendre la parole », d'exprimer leur situation d'aidant de manière factuelle, et de là, de proposer les solutions adaptées à leur situation. En ce sens, la prise de parole et la demande de solutions adaptées par les salariés-aidants marquent bien leur rôle de pionniers.
C- Ce n'est pas parce que ce que nous demandons n'existe pas qu'il ne faut pas le demander
Les aménagements que nous demandons peuvent être des aménagements qui n'ont jamais encore été mis en œuvre au sein de notre entreprise, mais le fait qu'ils n'aient jamais été mis en oeuvre n'est pas une raison pour ne pas les demander. Demander fait part de la « prise de parole » que les salariés-aidants seront amenés à faire. Un aidant qui accompagne un proche à sa dialyse trois par semaine ne verra dans aucun accord cadre de son entreprise avec les partenaires sociaux cette possibilité de choisir des absences de bureau de ce type, selon les jours, et pour des périodes non définies dans le temps. Sur cet exemple « trivial », on voit bien que le sur-mesure s'impose, et que si l'aménagement demandé obtient le feu vert de l'entreprise, ce feu vert correspond bien à une avancée au bénéfice du salarié-aidant, et peut-être pour d'autres salariés-aidants. Comme le disait si bien un aidant sur un forum, « nous ne quémandons pas un aménagement de notre travail, non, nous proposons un aménagement car c'est le meilleur moyen pour nous de continuer à être performant, tant auprès de notre entreprise qu'auprès du proche que nous aidons ».
D- Le compromis « gagnant-gagnant » qui peut aussi être bénéfique aux salarié-aidant
Avoir bien réfléchi sur ses contraintes d'aidants, avoir bien réfléchi sur les aménagements qui seraient les plus à même de faciliter la conciliation vie professionnelle et vie d'aidant, avoir bien réfléchi sur les bénéfices pour l'entreprise si elle accorde ces aménagements, permet au salarié-aidant d'exprimer de manière efficiente sa demande. Ceci est une condition nécessaire. Cette condition nécessaire côté salarié-aidant peut ne pas être jugée forcément suffisante vu du côté de l'entreprise qui a ses propres impératifs. Dans la réalité, il y a souvent un compromis gagnant-gagnant qui peut être trouvé et qui, même s'il ne répond pas totalement aux vœux de l'aidant, peut aussi lui être bénéfique, comme l'exprime un salarié-aidant : « Finalement, je n'ai pas pu obtenir tout ce que j'avais demandé, mais un énorme point a été que désormais, je n'avais plus rien à cacher à mon responsable, les choses étaient claires, mais aussi j'ai dit à ma mère que je ne pourrais plus venir tel et tel jour, et ces mini-breaks dans la semaine m'ont permis d'avoir un véritable répit. Je ne ressentais plus de culpabilité de ne pas en faire assez, ni à l'égard de mon entreprise, ni à l'égard de mon parent. »
E- L'échange entre salariés-aidants par les réseaux sociaux
4 millions de salariés-aidants veut dire que personne ne doit ni ne peut se sentir seul ou isolé s'il ne le désire pas. Il existe des forums entre aidants qui échangent leurs expériences, leurs succès et échecs, il existe des groupes sur Facebook où des salariés-aidants commencent à échanger entre eux les acquis dans leurs entreprises, il existe de nombreuses associations d'aidants qui aident les aidants sur ce thème précis de la conciliation vie professionnelle et vie d'aidant.
Robert Salaison, aidant
Pas évident de devoir aider au quotidien un proche et de rester mobilisé à 100% dans son activité professionnelle. De plus en plus d'entreprises prennent conscience de ce challenge des salariés aidants et proposent des dispositifs d'accompagnement.