La Rédaction
Pouvez-vous nous présenter le Centre National FM2J (Formation aux Métiers du Jeu et du Jouet) : son origine, ses activités et missions ?
Cédric GUEYRAUD
Le centre de Formation FM2J a pour missions de valoriser le jeu aux yeux des professionnels, les former à son utilisation et offrir les ressources nécessaires. FM2J a été créé en 2006 mais son histoire est plus ancienne et trouve ses origines dans le secteur des ludothèques. FM2J se compose aujourd'hui d'un centre de formation et d'un centre de ressources en direction des professionnels du jeu, ceux de la petite enfance, de l'animation, de la culture, des ressources humaines, de la psychopédagogie et bien sûr des professionnels de la gérontologie. Nos activités de formation proposent des stages dans nos locaux, des conférences, des journées à thème. Toutes ces activités sont délocalisables et nous pouvons intervenir dans les structures, au sein des équipes. Nous nous déplaçons régulièrement partout en France et parfois à l'étranger.
La particularité de notre centre de formation est de disposer d'un pôle ressources où nous menons des activités de recherche, d'édition et de publication dont la recherche LUDIM sur le jeu comme approche thérapeutique non-médicamenteuse dans la maladie d'Alzheimer.
La Rédaction
Qu'est-ce que le Ludopole ?
Cédric GUEYRAUD
Le Ludopole est une association qui s'étend sur 1 800m² et propose des espaces de jeux, un bar à jeux, du prêt ou de la vente d'objets ludiques. C'est également une zone d'exposition temporaire et d'événementiels toujours en lien avec le jeu. Le Ludopole est donc un espace de rencontre pour le grand public, les professionnels du jeu et tous ceux qui s'intéressent à ce support. FM2J, qui est un des administrateurs du Ludopole, partage aujourd'hui les mêmes locaux. Cette synergie nous permet de déployer notre projet dans cet aller retour constant entre théorie et pratique. En partenariat avec l'Institut du Bien Vieillir de Korian et le Centre de Recherche Clinique « Vieillissement - Cerveau - Fragilité » des Hospices Civils de Lyon, FM2J est à l'origine du projet de recherche LUDIM.
La Rédaction
Pouvez-vous nous résumer ce projet ?
Cédric GUEYRAUD
Oui, FM2J est à l'origine du projet LUDIM. En 2008, lors de la création de notre stage de 3 jours « Jeu et maladie d'Alzheimer » nous avons voulu expérimenter le concept du cadre ludique auprès de malades d'Alzheimer en unité protégée. Nous avons été étonnés des bienfaits du jeu sur les malades et nous avons voulu chercher à démontrer scientifiquement ce qui n'était qu'une intuition. Nous nous sommes alors rapprochés du CRC et de l'institut du Bien Vieillir Korian qui nous ont permis la réalisation d'une recherche scientifique visant à démontrer les effets du jeu sur les malades d'Alzheimer et ainsi modéliser une approche thérapeutique non-médicamenteuse.
La Rédaction
Le projet LUDIM s'intéresse-t-il exclusivement aux personnes atteintes de la maladie Alzheimer résidant en établissement ?
Cédric GUEYRAUD
Oui le projet LUDIM s'est intéressé exclusivement aux personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer (ou troubles apparentés) résidant en établissement. Toute démarche scientifique exige de cibler une population de façon précise et nous avons dû faire des choix. Pour autant, notre réflexion est beaucoup plus ouverte et nous nous intéressons aussi à l'utilisation du jeu à domicile ou auprès de personnes âgées moins dépendantes.
La Rédaction
Vous envisagez le jeu comme une solution non médicamenteuse à la prise en charge des personnes désorientées institutionnalisées :
Cédric GUEYRAUD
Les jeux expérimentés dans cette étude ont été référencés en fonction d'une analyse poussée sur les compétences exigibles. Pour chacun des jeux, nous avons regardé le niveau de compétences cognitives, sociales, affectives, langagières, motrices... Nous avons ensuite fait une sélection en fonction de la typologie des compétences des malades d'Alzheimer pour établir une correspondance. La situation de jeu est une rencontre entre un individu et un objet ludique, ces analyses nous permettent de faciliter cette rencontre par une sélection adaptée. La sélection est composée de jeu très différents, il y a peu de jeu de société car une personne désorientée aura du mal à suivre la règle, nous avons alors référencé des jeux symboliques, des jeux sensoriels et moteurs, des jeux d'assemblage.
Nous n'avons pas eu besoin de concevoir les supports ludiques, tout simplement parce que nous connaissons très bien le marché international du jeu. Pourquoi inventer un support qui existe déjà ?! Par contre, nous avons souvent pris des libertés par rapport à certains supports où le fabricant avait imaginé une utilisation précise du jeu, nous avons revisité certains usages...
La Rédaction
La fonction d'animateur en EHPAD s'est professionnalisée au cours des dernières années, mais il semble qu'il reste encore à faire.
La place du jeu intéresse-t-elle les seuls animateurs ou toute l'équipe qui entoure les personnes âgées au sein des EHPAD ?
Cédric GUEYRAUD
Le jeu a souvent été délégué à l'animateur et le reste de l'équipe peut ne pas toujours se sentir concerné. Ce comportement est en lien avec les représentations culturelles du jeu qui a souvent été considéré comme futile. Difficile de se faire prendre au sérieux quand notre environnement alimente ces idées reçues... Du coup, on redonne un peu de sérieux au jeu en l'utilisant dans un atelier mémoire, de rééducation et on risque d'en oublier le plaisir....
Mais nous sommes en 2015 et les idées du jeu ont bien changé. La psychologie, les neurosciences, la philosophie, (les mathématiques mêmes !!) viennent nous dire tout l'intérêt qu'il peut y avoir à jouer juste pour le plaisir. Se délasser, se divertir, renforcer l'estime de soi, libérer ses tensions, renforcer et développer des compétences cognitives, sociales, affectives, motrices, autant de possibilités offertes dans le plaisir du jeu... Ainsi, le jeu commence à intéresser une partie plus large de la population et des professions, ce qui explique un intérêt émergeant pour toute une catégorie de soignants. Notre expérimentation nous a même montré que lorsque l'intérêt pour le jeu monte jusqu'au sein de l'équipe de direction, les résultats qualitatifs sont plus élevés. En effet, le jeu en établissement peut intéresser l'équipe de direction dans la mesure où le jeu et ses modalités peuvent être transposés dans une prise en charge plus générale du résident. Ainsi la question du jeu trouve sa place dans un projet d'établissement qui s'intéresse à la question du bien-être.
La Rédaction
Pouvez-vous nous parler de la formation Jeu et Gérontologie que propose FM2j ?
Cédric GUEYRAUD
FM2J propose deux stages de 3 jours dans ses locaux à Lyon :
Dans ces stages, nous accompagnons les professionnels à comprendre quelles sont les meilleures conditions pour mener une situation de jeu auprès de ce public. Nous apprenons alors à analyser des supports ludiques, à aménager l'espace, à réfléchir sur son rôle et sur sa place de professionnel ou d'aidant. Cette partie très pragmatique au milieu de nombreux jeux est accompagnée d'une réflexion plus large sur l'intérêt du jeu auprès de ce public, sur les difficultés rencontrées et sur les moyens de les dépasser. A l'issu de la formation, les stagiaires sont outillés pour mener une séance de jeu auprès de personnes âgées, dans des conditions efficientes.
Nos formateurs peuvent aussi se déplacer dans les établissements, quelque soit le département, pour former une équipe. Pour autant, beaucoup aiment venir dans nos locaux car c'est aussi pour eux l'occasion de s'immerger dans ce lieu unique de 1 800m² dédié au jeu et au jouet. Toute la France est donc représentée dans nos stages lyonnais !
Par ailleurs, nous organisons aussi souvent des actions de conférences qui peuvent être choisies dans les thématiques suivantes :
La Rédaction
Ce module est-il réservé aux animateurs exerçant auprès de personnes désorientées ?
Cédric GUEYRAUD
Notre offre s'adresse principalement aux professionnels qui travaillent auprès de personnes âgées, mais elle n'est pas exclusivement à destination des animateurs. Nos stagiaires sont un mélange équilibré d'animateurs de maisons de retraite, de ludothécaires, d'ergothérapeutes, de psychomotriciens, de psychologues. Cette diversité est une vraie richesse et notre alternance entre théorie et pratique permet à chacun de ces acteurs de s'y retrouver.
Sans fausse modestie, nous avons vraiment de très bons bilans des stagiaires à l'issue de ces formations. Et si ça peut intéresser certains lecteurs, la prochaine session « Jeu et maladie d'Alzheimer aura » lieu du 7 au 9 Avril 2015 et celle concernant « Jeu et personnes âgées » aura lieu du 19 au 21 octobre2015.
La Rédaction
Qu'en est-il des aidants familiaux ?
Cédric GUEYRAUD
C'est vrai que notre expertise est principalement poussée dans une utilisation du jeu en institution. Pour autant, nous ne sommes pas vierge de propositions pour les aidants familiaux. A l'heure actuelle, nous sommes en train de modéliser une offre de formation pour 2016 sur une utilisation du jeu à domicile dont le cadre est bien évidemment très différent de celui de l'institution. En attendant nous pouvons leur donner des conseils plus individualisés.
La Rédaction
Au vu de votre expérience et des résultats de votre étude quels conseils prodigueriez-vous aux personnes chargées de l'animation dans les EHPAD ?
Cédric GUEYRAUD
Le conseil rapide que je pourrais donner, c'est de ne jamais oublier que le jeu doit rester synonyme de plaisir, quels que soient l'âge et/ou la pathologie. On ne peut pas prendre plaisir quand on ne maîtrise pas une situation ou qu'on ne la comprend pas. Trop aider une personne âgée dans un jeu, c'est aussi lui renvoyer ses incompétences et il vaut mieux chercher à changer ou simplifier votre jeu pour que les personnes aient moins besoin d'aide. L'estime de soi en sera renforcée et le plaisir aussi....
Nous sommes souvent trop exigeants et il faut garder en mémoire que pour faire jouer une personne âgée c'est d'abord l'accepter telle qu'elle est. On comprendra alors que le vrai travail à faire n'est pas en direction de la personne âgée mais en direction de soi-même, dans notre capacité à lâcher prise...
La Rédaction
Comment éviter la lassitude des résidents auxquels on propose toujours les mêmes jeux, avez-vous une solution ?
Cédric GUEYRAUD
La lassitude s'installe souvent dans l'habitude même si celle-ci rassure. Il s'agit alors d'avoir une proposition ludique qui se pérennise un minimum dans le temps pour créer un rapport de sécurité, de confiance et de maîtrise face aux jeux mais également de savoir les renouveler régulièrement pour éviter la lassitude. C'est le concept de la rotation d'objets ludiques qui cherche l'équilibre entre permanence de l'objet et nouveauté.
La Rédaction
Un dernier mot à nos lecteurs ?
Cédric GUEYRAUD
Ce petit moment de jeu, aussi futile soit-il, peut se présenter comme un bouleversement culturel de la prise en charge de la personne âgée et redéfinir le rôle et la place de l'aidant. Le jeu nous enseigne la question du bien-être et lorsqu'on a compris le cadre dans lequel il émerge, il est facile de le transposer sur une prise en charge plus globale de la personne âgée, voire même sur sa propre vie. Car finalement la vie n'est peut-être qu'un jeu, nous ne choisissons pas toutes les cartes mais le bien-être réside dans la façon dont on les utilise.
Cédric GUEYRAUD - 37 ans
FM2J
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LUDESIGN (fournisseur des jeux)
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